Home Relations Internationales Pour que cesse le mépris de camerounais en Guinée Equatoriale

Pour que cesse le mépris de camerounais en Guinée Equatoriale

La récente et énième expulsion des camerounais de Guinée Equatoriale interpelle sur les causes profondes du phénomène et des solutions pour y mettre un terme.

L’opinion nationale a été fortement émue de l’expulsion de centaines de camerounais le 21 avril dernier dans des conditions d’indignité totale. En effet, cette opération de déportation, contrairement aux précédentes, a été menée sans en notifier les autorités consulaires et diplomatiques basées en Guinée Equatoriale. C’est donc de façon cavalière et sur la base des réactions épidermiques que les autorités équato-guinéennes ont pris cette mesure barbare en réaction à une altercation survenue dans un marché de Malabo entre commerçants des deux pays. Il est de notoriété publique que les immigrés ne jouissent d’aucun droit lorsqu’ ils sont confrontés à un citoyen guinéen qui peut à sa guise les interpeller, leur  faire un contrôle  d’identité et même les molester en toute quiétude. Le quotidien de ces infortunés migrants est donc ponctué d’humiliations, de brimades et de menaces d’expulsion en passant par des internements dans les centres de rétention. La vraie problématique est de déterminer les causes profondes de ces expulsions récurrentes et surtout des moyens pour en venir à bout.

Un complexe d’infériorité tenace

Le complexe d’infériorité est un sentiment dominant au sein d’une population Equato-Guinéenne  d’environ  un million cinq cent mille habitants face au voisin camerounais qui en compte trente millions. Dans l’article intitulé  «La libre circulation des personnes au sein de l’espace de la C.E.M.A.C : entre mythes et réalités[1] », l’universitaire gabonais Serge Loungou explique ce complexe d’infériorité  à travers la construction de trois principaux mythes que sont :

  • Le mythe de l’invasion démographique,
  • Le mythe de la spoliation économique
  • Le mythe de la perversion sociale et de la délinquance d’origine étrangère

Le complexe d’infériorité par le nombre que paraissent nourrir le Gabon et la Guinée équatoriale, les deux Etats démographiquement les plus faibles de la C.E.M.A.C, nous semble être l’un des fondements de leurs politiques migratoires exclusives.

La défense de l’intérêt national

Teodoro Obiang Nguema, Président de la Guinée Equatoriale

Animé des sentiments inspirés  des trois mythes cités  plus haut, les citoyens et les autorités équato-guinéennes vont élever au rang de valeur suprême la défense de l’intérêt national contre cet « étranger » porteur de tous les maux et menaces existentielles. La virulence de ce sentiment xénophobe est particulièrement orientée à l’encontre les ressortissants camerounais accusés d’être suffisants, envahissants et malhonnêtes. Ce dernier point mérite cependant une attention particulière en raison de nombreux faits notoires d’escroquerie et de braquages attribués à des camerounais. En tout état de cause, la résolution d’une grande partie des problèmes que rencontrent les camerounais dans ce pays voisin dépend de l’attitude des autorités de Yaoundé. .

La passivité des autorités camerounaises

Il est surprenant de constater la passivité pour ne pas dire la lâcheté des autorités camerounaises face aux exactions répétées subies par leurs ressortissants en Guinée équatoriale. Il est en effet rare de voir un pays ayant un rapport de force favorable laisser piétiner ses concitoyens dans un pays étranger. Dans le cas d’espèce, cela s’est illustré par la réaction tardive des autorités camerounaises à travers la convocation de l’ambassadeur de Guinée équatoriale à Yaoundé plusieurs jours après les faits.

En matière diplomatique, le principe de réciprocité impliquerait des mesures de rétorsion à l’encontre des citoyens équato-guinéens et des intérêts du pays mise en cause. On aurait  donc dû logiquement s’attendre à des mesures d’expulsions de guinéens présents au Cameroun et par des sanctions de type économique visant plusieurs des produits qui constituent des sources d’approvisionnement indispensables à l’alimentation de Guinée Equatoriale. Ces mesures de réciprocité seraient d’autant plus fondées qu’ il existe un traité de  libre circulation des personnes et des biens en zone Cemac  en vertu duquel les ressortissants camerounais devraient à tout le moins bénéficier d’un traitement  « digne et humain » , ce qui est loin d’avoir été le cas.

L’ambassadeur de Guinée Equatoriale et le Ministre des Affaires étrangères du Cameroun

Actions pour une solution durable

Les pistes de solutions qui émergent de cette analyse passent par un volontarisme affirmé des autorités de Yaoundé dans le but de restaurer sa respectabilité écornée du fait des mauvais traitements subis par ses ressortissants Il s’agit d’allier à la fermeté  des mesures de réciprocité et de rétorsion, des négociations bilatérales relatives au traitement de ses ressortissants. Et enfin, il importe que le gouvernement camerounais prenne des mesures fortes pour discipliner ses concitoyens auteurs de comportement répréhensibles tels que filouterie, l’immigration clandestine, l’escroquerie, etc. En tout état de cause, les autorités camerounaises ne devraient en rien courber l’échine devant ce minuscule pays voisin au motif de la préservations d’intérêts somme toutes négligeables.

Francis Bidjocka /Mariatou Mandou

 

[1] Belgeo [En ligne], 3 | 2010, mis en ligne le 04 décembre 2012, consulté le 10 décembre 2020. URL : http://journals.openedition.org/belgeo/7096 ; DOI : https://doi.org/10.4000/belgeo.7096

 

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