Home Gouvernance Un universitaire camerounais s’insurge de la légitimation des « fils héritiers » en Afrique.
Gouvernance - 3 jours ago

Un universitaire camerounais s’insurge de la légitimation des « fils héritiers » en Afrique.

Dans un article paru dans une revue française de renom, le Dr Rodrigue Ngando Sandjè décrypte les mécanismes de contournement constitutionnels pour installer des fils de chefs d’État au pouvoir.

Dans l’article « Portrait du fils du chef d’État en Afrique » publié dans la  Revue française de droit constitutionnel 2025/1 n° 141, Dr Rodrigue Ngando Sandjè offre une analyse juridico-politique audacieuse des successions dynastiques dans les régimes républicains africains. Ngando Sandjè démontre, preuves à l’appui,  que ces successions, bien que contraires aux principes républicains, se sont imposées  comme une pratique constitutionnelle informelle, nourrie par le capital politique familial, le contrôle des institutions et de la l’armée,  la faiblesse des contre-pouvoirs et l’institutionnalisation du clientélisme.

Joseph Kabila, le premier fils-successeur

L’article analyse les mécanismes extra juridictionnels de dévolution patrimoniale du pouvoir en Afrique dont l’origine remonte à l’accession de Joseph Kabila à la tête de la RDC en lieu et place de son père Laurent-Désiré assassiné le 16 janvier 2001. Si  la cas congolais  pouvait se justifier par un contexte de junte militaire, l’accession à la magistrature suprême de Faure Gnassingbé (Togo) et Mahamat Idriss Déby (Tchad) ont été faite en violation des constitutions existantes. Si l’auteur n’oublie pas d’évoquer les projets de successions déclarées en Afrique ou masquées au Cameroun avec un Franck Biya  dont on voit la toile se tisser discrètement à travers l’émergence des mouvements « franckistes ». L’article n’évoque toutefois pas  les fonctions non déclarées mais pourtant officielles qu’exercent  Franck Biya  à la présidence de la république au regard de la place qu’il occupe dans les cérémonies protocolaires (avant le Ministre d’Etat, Secrétaire général à la présidence).

La position de Franck Biya dans le protocole d’Etat  dévoile son rang officiel

Rodrigue Ngando Sandjè dépasse le formalisme juridique pour analyser les rapports de force et les réseaux clientélistes qui façonnent les transitions, lesquelles tendent à légitimer la succession de Père-Fils à la tête de l’Etat.  L’auteur décrit le fils-héritier putatif du chef d’Etat à la fois comme un « nain constitutionnel » ignoré par les textes et « un hercule politique » surpuissant en pratique. « Le fils-successeur n’est pas un héritier constitutionnel, mais un hercule politique forgé par le capital symbolique et matériel de son père. » 

Franck Biya reçu comme un souverain par le Sultan de Rey Bouba

L’article met en lumière la paralysie du système démocratique africain où le droit et les institutions sont plus faibles que les régimes au pouvoir dont  les moyens de persuasion (intéressement) et de rétorsion  permettent d’imposer un « droit constitutionnel parallèle » sous le regard hypocrite des puissances étrangères qui les adoubent.

Franck Biya, Emmanuel Macron, Paul Biya

Cet article interpelle la communauté sur la nécessité de trouver des moyens juridiques, politiques et citoyens pour contrer cette dérive dynastique entretenue par des réseaux clientélistes qui tirent profit des régimes en place. Il serait particulièrement intéressant pour les savants africains de proposer  des mécanismes de résistance politique et citoyenne pour mettre fin à la « patrimonialisation du pouvoir ». Une lecture indispensable pour les juristes, politologues et acteurs de la société civile  pour anticiper les risques de succession au Cameroun et ailleurs.

Ali Bongo le fils successeur du Gabon et le Général Oligui Nguema  son tombeur
Par Francis Bidjocka

 

* Rodrigue Ngando Sandjè est docteur en droit public de l’Université de Bourgogne Chercheur au Centre de recherche et d’étude en droit et science politique (CREDESPO – EA 4179) Université de Ngaoundéré (Cameroun)

 

Références pour Approfondir :

  • « Les dynasties politiques en Afrique »(M.-A. Pérouse de Montclos, 2018).
  • « Le constitutionnalisme africain à l’épreuve des faits »(L. Sindjoun, 2020).
  • Jean-François BayartL’État en Afrique. La politique du ventre(1989).
  • Achille MbembeDe la postcolonie. Essai sur l’imagination politique dans l’Afrique contemporaine(2000).
  • Patrick Chabal & Jean-Pascal DalozL’Afrique est partie ! Du désordre comme instrument politique(1999).

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