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Gouvernance - 2 semaines ago

De l’urgence d’un code de déontologie pour une meilleure justice au Cameroun.

Le tollé provoqué par le récent séjour du ministre Jean De Dieu Momo, dans la résidence balnéaire de Samuel Eto’o Fils à Kribi interpelle la communauté nationale sur l’urgence d’un code de déontologie des autorités publiques au Cameroun.

Le 21 avril dernier le ministre Jean De Dieu Momo postait sur son compte Facebook des images des vacances passées avec des membres de sa famille dans la résidence du président de la FECAFOOT à Kribi. Dans cette sortie exhibitionniste le ministre délégué à la Justice a pris soin de préciser que c’est à sa demande que cette villa a été mise à sa disposition avec en prime une prise en charge totale de la restauration. Dans la même publication, le ministre ne se prive pas de chanter les louanges de son illustre hôte dont il affirme être un fidèle soutien.

Le Ministre  Momo Jean de Dieu et Samuel Eto’o Fils

Cette proximité affichée d’un membre du gouvernement avec une personnalité publique interpelle sur le devoir de réserve et  de discrétion qui devrait caractériser les hauts commis de l’Etat. Cette attitude est d’autant plus questionnable que Me MOMO est ministre de la Justice et que Samuel Eto’o Fils, le président de la FECAFOOT est impliqué dans plusieurs affaires devant diverses juridictions. Les faits relatés ci-dessus pourraient davantage relever de l’anecdote en comparaison des relations coupables qu’entretiennent de nombreux responsables politiques avec des personnalités « sulfureuses ».

Le cas Amougou Belinga

L’homme d’affaires Amougou Belinga

Dans le florilège de ces relations douteuses, le cas de l’homme d’affaires Amougou Belinga résume à lui seul l’éventail des mauvaises fréquentations de nos hommes politiques .Pour mémoire, Amougou Belinga, actuellement incarcéré à la prison centrale de Yaoundé, est l’un des « présumés »  commanditaires  de l’assassinat crapuleux du journaliste MARTINEZ ZOGO. De nombreuses personnalités proches de l’accusé au rang desquelles le ministre de la Justice, Garde des sceaux, dont le nom a été abondamment cité avec un retentissement au niveau de la presse internationale. On ne peut que s’interroger de la nature véritable des liens qui unissaient ce sulfureux personnage avec des membres de l’establishment du Cameroun et de la sous-région CEMAC.

Parmi les sinistres faits d’armes du Sieur Amougou Belinga on peut citer :

S.E. Nzoyoum

La publication d’un enregistrement audio dans lequel il « réprimande » vertement l’ambassadeur du Cameroun en RCA pour n’être pas venu l’accueillir lors d’un séjour à Bangui, sans manquer de lui rappeler les largesses reçues de lui.  La publication d’un enregistrement audio dans lequel il s’en prend violemment au Secrétaire Général de la Police pour avoir reçu le Délégué Général à la sûreté nationale sans l’en informer, lui rappelant au passage de menus services rendus en rapport avec le ministère de la justice.

Mbarga Nguele, Policier en chef

L’organisation d’une campagne de dénigrement de Martin Mbarga Nguele, patron de la police camerounaise relative à un mauvais partage de « butin » dans un dossier politico sécuritaire concernant la Guinée Equatoriale. Par ailleurs, des fuites sur les auditions menées dans le cadre de l’affaire Martinez Zogo mettent en évidence le comportement de subordination de plusieurs hauts responsables des services de renseignements à l’égard d’Amougou Belinga du fait des «  cadeaux » reçus en espèces sonnantes et trébuchantes.

Les quelques cas présentés ci-dessus sont symptomatiques des problèmes d’éthique qui gangrènent notre haute administration et qui se traduisent par des  pratiques de collusion, de corruption, de manœuvres frauduleuses et coercitives, de trafic d’influence et de conflit d’intérêt entre autres tares.

De la nécessité d’un code de déontologie

Laurent Esso, Garde des Sceaux

S’il est évident que  les faits décrits ci-haut sont moralement réprouvables, le fait est qu’il n’existe aucun texte encadrant le comportement des autorités publiques et  la nature des relations qu’elles devraient entretenir  avec des tiers. Il importe donc pour nos administrations publiques de se doter de codes de déontologie spécifiques à chaque corps et notamment à celui de la magistrature qui est le garant du respect des libertés et du bon droit. C’est à cette louable tâche que devrait s’atteler Me Momo Jean de Dieu en sa qualité de ministre Délégué à la Justice pour l’élaboration d’un code de déontologie auquel il serait lui-même astreint.

Ce code de déontologie pourrait s’inspirer de celui de nombreux pays qui retrouvent leur universalité à travers les principes de Bangalore sur la déontologie judiciaire publiée par l’UNODC (United Nations Office on Drugs and Crime). Ces principes reviennent sur les principales qualités morales essentielles à un bon magistrat  que sont l’intégrité, impartialité et efficacité.

  1. Intégrité et éthique
  • Honnêteté: Un magistrat doit être irréprochable, éviter tout conflit d’intérêts et résister aux pressions extérieures.
  • Respect des règles déontologiques: Il doit appliquer la loi tout en respectant les principes éthiques de la profession.
  1. Impartialité et indépendance
  • Neutralité: Il doit juger sans parti pris, sans influence des opinions personnelles, des médias ou du pouvoir politique.
  • Indépendance: Il doit prendre ses décisions librement, sans subordination à quelque autorité que ce soit.
  1. Discrétion et réserve
  • Neutralité publique: Éviter les prises de position politiques ou médiatiques qui pourraient compromettre sa perception d’impartialité.

De plus, il faudrait que ce code de déontologie encadre rigoureusement l’octroi et la réception de cadeaux par toutes les autorités publiques. On pourrait notamment s’inspirer de l’Ethics in Government Act (1978) qui oblige le président et les hauts fonctionnaires américains à déclarer les cadeaux  d’une valeur supérieure à 20 dollars (environ 12 000 F CFA) reçus de leurs concitoyens. Lorsque le présent est offert par un pays ou une organisation étrangère, la valeur des cadeaux offerts à un président américain ne doit pas dépasser le montant de 480 dollars (576 000 F cfa) faute de quoi il est transféré aux Archives Nationales.

Vivement que nos autorités politiques, administratives,  législatives soient dotées de codes  éthiques et de  déontologie pour un retour à un minimum de moralité publique.

Francis Bidjocka

Un commentaire

  1. A powerful standard to build a United and strong state is the code of ethics of that country.

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